mardi 8 septembre 2009

Sortie du 4-5 juillet : LAUTARET (suite)

Nous étions 15 ce week end là, à nous retrouver au col du Lautaret, pour une visite guidée du jardin alpin en compagnie d’une jeune universitaire.
Dany vous l’a dit, le ciel était d’un bleu fabuleux et la lumière si particulière en altitude nous a révélé des couleurs somptueuses.
Mais pourquoi un jardin dit alpin ? Car il est situé dans les Alpes bien sûr …. Et bien non car on dirait alors jardin alpien, alors ? Alpin car on y trouve des plantes dites alpines, c'est-à-dire des végétaux qui poussent au dessus de la limite naturelle des forêts. Cette limite varie selon la latitude, 2300 mètres en moyenne dans les Alpes, le niveau de la mer vers le cercle arctique, et 4000 mètres dans les zones tropicales.
Ces plantes doivent s’adapter à des conditions de vie particulièrement difficiles, la baisse des températures, une période de végétation brève, l’augmentation des rayonnements Ultraviolets, les vents forts et c’est pourquoi la végétation est basse à l’échelle d’herbe.
Pour les plantes alpines, le jardin du Lautaret est un véritable écrin organisé en rocailles. Chacune d’elles est construite autour d’un thème :
  • origine géographique des plantes : Atlas, Sibérie, Caucase,….
  • milieu de vie : pelouses, tourbières, éboulis alpin, éboulis granitiques ….
  • ou familles des plantes : astéracées jaunes, chardons bleus, Pelouse à fétuque, alchémilles et potentilles ….

Nous ne pourrons pas tout vous raconter, les photos vous en diront bien plus long aussi nous avons pris le parti d’aborder quelques thématiques.

Un exemple d’adaptation de la vie végétale aux conditions climatiques : dans cet environnement hostile, on trouve peu de plantes annuelles, elles n’ont généralement pas le temps pour un cycle végétatif complet, un des rares spécimens la Gentiane nivalis. Les vivaces sont reines mais elles adaptent leur système végétatif, des ports en coussinet, des feuilles petites, épaisses souvent poilues pour se protéger du froid et du vent. Pour la reproduction, là aussi il faut jouer serré, on mise peu sur la reproduction sexuée trop aléatoire dans ces conditions. De nombreuses plantes alpines ont souvent recours à la reproduction dite végétative ou clonale. Le Rhododendron ferrugineux et l’aulne vert pratiquent ce genre de multiplication : ce sont des arbustes très flexibles qui « profitent » de l’écrasement de ses tiges au sol par le poids de la neige pour s’enraciner avant individualisation du clone. Chez la benoîte rampante, des stolons - tiges aériennes rampantes – permettent la multiplication clonale de l’espèce et la colonisation des éboulis schisteux. Après destruction du stolon, le nouveau pied va s’individualiser du pied mère.

Rocailles aux saules : on trouve une rocaille dédiée aux saules, certaines espèces se sont adaptées aux conditions de vie des zones alpines et arctiques : elles sont complètement plaquées au sol. En raison de la durée de la saison de végétation, elles ne grandissent que de quelques millimètres par an, si bien que certains individus, comme le saule à feuille de serpolet ou Salix serpillyfolia sont pluri centenaires quand leur diamètre dépasse 1 m. De véritables bonsaï plaqués au sol. Au Lautaret, il y a une véritable forêt sur quelques mètres carrés avec des spécimens de Salix herbacea, Salix retusa, Salix polaris, Salix reticulata…la forêt des Lilliputiens.

Ramonda pyrenaica ou Ramondie des Pyrénées : Gesnériacée endémique des montagnes pyrénéennes de la même famille que le Saint Paulia. Les plantes de cette famille poussent essentiellement sous les tropiques. C'est la seule représentante du genre dans toute l'Europe. Elle est endémique dans les Pyrénées en France et en Espagne, à une altitude de 1000 mètres. Elle est considérée comme une plante fossile. La Ramondie est en fait une relique qui rappelle qu’à l’ère tertiaire le climat tropical atteignait le sud de l’Europe. Cette espèce a réussi à s’adapter au refroidissement du quaternaire.

La gentiane jaune ou gentiana lutéa est une vivace emblématique des montagnes, elle dresse en juillet août ses grands épis jaunes qui peuvent atteindre 2 mètres de haut. Elle ne fleurit qu’au bout de 5 à 10 ans et elle est arrachée pour la récolte de ses racines qui apportent l’amertume et le goût spécifiques à certains apéritifs bien connus dont La Suze et le Picon. Ses vertus sont innombrables : apéritive, digestive, tonique, antiseptique, purifiante …
Par contre, en l’absence de fleurs, elle peut être facilement confondue avec le vérâtre blanc ou hellébore blanc, famille des liliacées dont toutes les parties sont hautement toxiques (alcaloïdes dépresseurs cardio-respiratoires et hypotenseurs : rubijervine, isorubijervine, germine, protovérine).
Donc pour vous aider à vous y retrouver, il faut observer la disposition des feuilles sur la tige: chez la gentiane, les feuilles se regardent l’une en face de l’autre sur la tige (insertion dite opposée), alors que chez le vératre les feuilles sont alternées.

Tout cela pour vous dire que nous avons appris des tas de choses avec notre jeune guide universitaire mais tout à une fin et nous avons dû quitter ce lieu enchanteur.

Après une soirée fort sympathique et une nuit de repos, départ vers le château du Touvet.
Nous sommes accueillis par les propriétaires. Cette demeure est habitée par la même famille depuis 500 ans. Le château et l’orangerie accueillent des réceptions et l’apport financier permet l’entretien et la restauration du château et des jardins.
Nous commençons d’ailleurs par une visite guidée du château, médiéval à l’origine puis embelli et agrémenté au 18 ème siècle par le comte de Marcieu, pour s’adapter à l’art de vivre de l’époque. Ce site idéalement situé surplombe la vallée de l’Isère et on y découvre en vis-à-vis la chaîne du Massif de Belledonne.
Le même comte de Marcieu en 1750, dessine les plans des jardins qui doivent servir d’écrin au château. Ces plans ne seront totalement mis en œuvre que très récemment par les actuels propriétaires. La pièce majeure de ce jardin est son escalier d’eau et ses miroirs. Utilisant la déclivité naturelle, l’eau des montagnes, habilement souligné par les dentelles de buis, cet escalier est intégré dans le reste du jardin, plus champêtre avec ses sous bois jardinés, son verger, la prairie fleurie...
La mise en scène de ces jardins n’est pas sans rappeler celle des jardins baroques italiens qui mêle avec harmonie jeux d’eau, espaces maîtrisés et grand paysage.
Nous avons eu droit d’ailleurs à une présentation des jeux d’eau.

Puis après un pique nique à l’ombre des grands arbres du château, nous partons vers notre prochain rendez vous, la Casamaures à l’entrée de Grenoble, Saint Martin du Vinoux plus précisément.
Que vous en dire ? Nous n’avons pas découvert de jardin fabuleux, de palais mais une femme, une artiste qui se bat pour protéger son trésor. La Casamaures ou la Villa les magnolias est à l’origine un petit palais d’inspiration orientaliste installé dans un écrin de verdure qui surplombe l’Isère. Joseph Jullien, novateur rêveur, fait construire cette demeure en 1855 en utilisant l’or gris, le ciment. Cette demeure conjugue toutes les folies du moment, l’attrait pour l’Orient : grenoble est la patrie de Champollion, la fièvre du modernisme : Grenoble découvre dans son sous sol l’or gris et la première cimenterie ouvre, la fièvre du béton va s’emparer de la ville. Cette construction est un prototype de préfabrication "en pierres factices", non armées, fabriquées en atelier. C'est un chef d'oeuvre des artisans-mouleurs grenoblois qui utilisèrent les premiers ciments prompts. La Casamaures est par ailleurs, décorée de cheminées turques en plâtre ciselé, de tapisseries peintes à la main et de décors en trompe l'œil, de moucharabiés. Le jardin d'hiver a une façade de bois inspirée des Villas du Bosphore. Les trois façades en béton sont composées de moulures d'arabesques rehaussées de peinture bleu outremer. Cinquante-deux colonnes forment la structure porteuse de tout l'édifice.
On accédait à la demeure par un parc exotique, planté de magnolias et agrémenté de sculptures, un écrin de verdure bénéficiant du micro climat des contreforts extrême sud de la Chartreuse. Le parc longeait les fortifications de Grenoble. Malheureusement ruiné, Joseph Jullien doit céder son rêve à ses créanciers et de splendeur en décadence, pendant un siècle cette demeure connait le morcellement des héritages, les dégradations des guerres et les clochards.
En 1981, cette belle ruine est rachetée et sauvée in extremis, par une artiste grenobloise qui l'a renommée La Casa Maures/ Cas'amore. En 1986, la demeure est classée monument historique par le Ministère de la Culture. Mais pour autant, son devenir est largement compromis par le projet de contournement autoroutier de Grenoble, un viaduc devrait surplomber la propriété et pire à moins de 500 mètres, les travaux de percement du tunnel sous Bastille à coup de dynamite devrait en finir avec ce petit palais haut en couleurs mais à la vulnérabilité d'un château de sable...
La demeure est un chef d’œuvre en péril, une association se bat pour sa protection, de nombreuses associations ont leur siège en ses murs, des artistes exposent, des jardiniers font des dons pour la plantation du jardin et sa propriétaire se bat bec et ongles ne comptant ni son temps ni son argent.
Donc non, nous n’avons pas découvert un jardin extraordinaire mais tous autant que nous étions ce jour, nous ne pourrons plus entrer dans Grenoble sans une pensée pour ce lieu et cette femme.

Audrey et Françoise

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